L’ergophobie est une notion de santé mentale introduite pour la première fois en 1905 par l’auteur américain William Hazlett Upson. Il parlait alors de “l’art de la paresse”. Une expression plus littéraire que scientifique pour parler d’une véritable phobie dont souffrent de plus en plus de nos contemporains au travail.
Définition de l’ergophobie
Étymologiquement, l’ergophobie vient des termes grecs “ergon”, le travail, et “phobos”, la panique ou la peur. On parle donc de “la peur de travailler”, expression que vous connaissez sans doute davantage. Il s’agit concrètement d’une crainte irrationnelle et exagérée du travail. Et les personnes qui en souffrent sont appelées des ergophobes.
Causes et caractéristiques principales
Il existe différents facteurs qui favoriseraient l’apparition de l’ergophobie chez un individu. Généralement, les ergophobes cumulent plusieurs de ces facteurs. Mais les situations vécues étant propres à chacun, tout ceci est bien entendu lié à notre histoire personnelle. Nous avons regroupé ci-dessous les 3 grandes causes les plus importantes.
Une confiance en soi faible
Si vous avez peu confiance en vous dans la vie de tous les jours, a fortiori au travail, vous êtes plus susceptibles de devenir ergophobe que la moyenne. Même si tout le monde peut être concerné à un moment ou à un autre dans sa vie par “la peur de travailler”, elle se déclenche plus facilement chez les personnes qui ont un déficit de confiance en elles.
Ce déficit de confiance en soi au travail peut se traduire par des difficultés à prendre la parole en public, un sentiment général de ne pas être à la hauteur, des difficultés à se socialiser avec ses collègues de travail, etc. Des obstacles à votre épanouissement professionnel, qui peuvent conduire progressivement à des états d’anxiété profonds.
Par exemple, une personne qui a très peur de s’exprimer devant ses collègues, fera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter ce genre de situations. Mais lorsque la stratégie d’évitement n’est plus possible, que parler en public est inévitable, l’ergophobe peut déclencher de violentes attaques de panique rien qu’en y pensant.
Un événement traumatisant au travail
Il existe des personnes qui sont devenues ergophobes quelques temps après avoir vécu un événement particulièrement difficile au travail. Un événement qui les a mis dans une situation très délicate et qui leur a provoqué un fort stress. Leur cerveau a associé cet événement, et par extension l’environnement professionnel, à quelque chose de négatif.
C’est cette association, bien souvent inconsciente, qui est la cause de nombreux blocages au travail chez les ergophobes. Ils peuvent avoir une boule au ventre dès le matin avant de partir travailler, comme ils peuvent être submergés par de fortes angoisses et devoir complètement stopper les tâches qu’ils sont en train d’effectuer.
À ce moment-là, le trouble cognitif et phobique s’installe durablement et la personne ressent de plus en plus de stress qui l’empêche de retrouver un équilibre professionnel. Cela peut être le cas par exemple quand une personne vient d’être humiliée par son supérieur hiérarchique et qu’elle a peur de perdre sa place dans l’entreprise à l’avenir. Une peur qui devient panique.
Un conditionnement depuis l’enfance
Mais l’apparition de l’ergophobie ne s’explique pas toujours par des événements traumatisants qui se seraient déroulés dans le cadre du travail. Parfois, il s’agit d’un véritable conditionnement inconscient depuis l’enfance. Et ce conditionnement est bien souvent une des causes les plus difficiles à détecter et à soigner.
C’est souvent le cas lorsque l’un des parents a eu les mêmes problèmes phobiques au travail. Imaginez quelqu’un qui a assimilé involontairement tout au long de sa jeunesse, des mots, des attitudes et des comportements négatifs vis-à-vis du travail. On comprend plus facilement comment cet individu pourrait reproduire les mêmes schémas familiaux.
Prenons l’exemple d’un père de famille qui n’a cessé toute sa vie de se mettre la pression inutilement au travail. Exagérant chaque soir ses journées éreintantes à ses enfants, il leur communique progressivement sans le vouloir son incapacité à gérer son stress. Les enfants ont acquis des prédispositions qui pourront engendrer des troubles phobiques plus tard.
Comment détecter les symptômes ?
L’ergophobie regroupe des caractéristiques reconnaissables chez les individus qui en souffrent, et des symptômes physiques typiques des troubles phobiques. Bien sûr, tout le monde peut se reconnaître dans les points qui vont suivre sans développer de phobie du travail. Rappelons juste que les ergophobes les vivent de manière plus forte et exagérée.
Appréhender le fait de se rendre sur son lieu de travail
Peu importe le métier que vous faites ou le poste que vous occupez, une des premières caractéristiques évidentes de l’ergophobie est l’appréhension d’aller au travail. Généralement cette appréhension est matinale, mais tout dépend du travail car certaines personnes peuvent commencer plus tard dans la journée voire même la nuit.
Cette appréhension peut se caractériser par des maux de ventre dès le réveil : la fameuse “boule au ventre”. Elle est due au fait que l’individu anticipe déjà son arrivée sur son lieu de travail, et rien que cette pensée génère un fort stress. Plus il se rapproche de son travail, plus l’angoisse devient forte et les symptômes physiques difficiles à gérer.
Prenons l’exemple d’une jeune cadre qui se rend tous les jours au travail en transport en commun. Comme chaque réveil, elle ne se sent pas bien. L’envie n’est pas là. Mais elle n’a pas le choix, et file prendre le métro. La dernière station se rapproche, et voilà qu’elle est prise de violents vertiges, bien loin de la petite douleur au ventre au réveil.
Être anxieux vis-à-vis de ses collègues et supérieurs hiérarchiques
Les ergophobes auront tendance à développer de sérieuses difficultés relationnelles au travail, a fortiori avec leurs supérieurs qui représentent à leurs yeux une véritable pression hiérarchique. Pour certains individus, ce sera aussi le cas avec les collègues de travail directement même s’ils occupent une place similaire.
Ces difficultés relationnelles peuvent s’expliquer par un gros manque de confiance en soi en général, ou même par un événement traumatisant vécu sur le lieu de travail. L’ergophobe aura vraiment du mal à communiquer avec les autres sur son travail comme sur ses problèmes de stress. Il pourra dans certains cas saborder lui-même ces relations.
Des relations professionnelles simples sur le papier peuvent devenir un vrai parcours du combattant. Beaucoup de difficultés à s’exprimer face à ses supérieurs, une très grande irritabilité au quotidien avec ses collègues de travail. Bref, des symptômes physiques et psychiques qui témoignent d’un état d’angoisse assez avancé au contact des autres.
Avoir peur de pas être à la hauteur face à la charge de travail
Une charge de travail relativement “normale” pourra être vue comme inatteignable par un ergophobe. Plus l’état de peur et d’angoisse est grand, plus la tâche à accomplir sera perçue comme une montagne infranchissable. Inversement, une charge de travail trop importante peut conduire à terme à des troubles phobiques.
Ce peut être le cas pour les gens qui ont connu un parent dans des états de stress très forts en rentrant du travail. Un parent qui ruminait souvent les soirs à table en exprimant son incapacité à faire ce qu’on lui demande. Finalement, le parent a inconsciemment transmis un fort sentiment de ne pas être à la hauteur à son enfant.
Ce sentiment, emmagasiné depuis longtemps, peut se manifester par des troubles du sommeil entre autres. Et donc de grandes difficultés à s’endormir et récupérer de la journée qui vient de s’écouler. L’ergophobe dans ce cas anticipe les tâches qu’il aura à accomplir le lendemain, et n’arrive pas à trouver la paix au moment de s’endormir.
Être dans l’incapacité voire l’impossibilité de trouver un travail
La peur du travail peut aussi se manifester lorsque la personne n’a justement pas de travail. Ce peut être le cas après une démission ou un licenciement lorsque la personne est en période de recherche d’emploi. Et c’est justement cette période de recherche qui peut être vécue de manière très difficile pour l’ergophobe.
Imaginez une personne qui a quitté son dernier travail avec pertes et fracas. De très mauvaises relations, une pression beaucoup trop forte, bref, des éléments qui peuvent justifier une démission. Une situation traumatisante pour la personne, qui inconsciemment pourra être associée au monde du travail de manière globale sans distinction.
Dans cette situation post-traumatique, rien que la lecture d’une nouvelle offre d’emploi peut conduire la personne à des états de panique très avancés. Elle transfère son expérience passée sur toutes les expériences futures possibles, ce qui rend la recherche d’emploi très compromise voire quasi impossible si la phobie n’est pas soignée.
Des solutions existent
Comme toutes les phobies, il existe bien entendu des solutions pour soigner l’ergophobie. Toutes ne sont pas forcément efficaces de la même manière selon les situations vécues et les types de personnalités. L’idée est de choisir ce qu’il vous correspond le mieux dans un premier temps, et de changer de méthode si la première n’a pas fonctionné.
Sophrologie, méditation et yoga
Dans un premier temps, toutes les pratiques et techniques de médecine douce peuvent être une très bonne solution pour apprendre à vous relaxer. Et ici, vous avez le choix : sophrologie (caycédienne ou non), méditation, hypnose (ericksonienne ou humaniste), yoga, etc. Dirigez-vous donc vers la pratique qui vous attire le plus.
Peu importe votre choix, l’objectif est clair si vous êtes atteint d’ergophobie. Vous allez devoir apprendre à redevenir calme par vous-même. C’est quelque chose de très important pour arriver à gérer vos attaques de panique liées au travail, et toutes les autres sensations désagréables que vous pouvez ressentir rien qu’en y pensant.
Mais de manière empirique, ces techniques de médecine douce ne suffiront sans doute pas. Il sera important dans un second temps ou parallèlement, de consulter un spécialiste afin qu’il puisse vous aider à faire disparaître votre phobie définitivement. Et à nouveau, vous avez le choix entre plusieurs thérapies, certaines plus longues, et d’autres plus brèves.
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
Comme nous venons de le dire, il est difficile de se départir de sa phobie simplement en réalisant des exercices de relaxation. La thérapie cognitivo-comportementale est une option à vraiment considérer car elle est la solution standard pour soigner les troubles phobiques.
À l’aide d’un thérapeute, vous allez apprendre à mettre à distance vos angoisses en lien avec le travail. Concrètement, on pourra vous demander de lister les situations ou les pensées qui vous posent problème. Petit à petit, en vous confrontant à ces situations, vous allez reprogrammer votre cerveau et évacuer votre peur du travail.
La thérapie cognitivo-comportementale fait partie de la famille des thérapies brèves. Cela veut dire que cette thérapie ne nécessite pas des années de consultations, mais plutôt en moyenne une dizaine de séances. D’ailleurs l’efficacité de cette solution a été prouvée par de nombreuses études.
La psychanalyse
Mais vous pouvez tout à fait vous orienter vers d’autres types de thérapies. La psychanalyse est une autre solution qui peut vous permettre de combattre votre phobie. Pour la psychanalyse, votre phobie, qu’elle soit liée au travail ou non, est la manifestation d’un conflit enfoui dans votre subconscient.
Votre psychanalyste vous aidera à cerner les causes de votre trouble phobique et ce qui se joue inconsciemment en analysant votre histoire personnelle. Il pourra d’ailleurs remonter assez loin dans le temps pour identifier toutes les causes pour que vous puissiez in fine les regarder en face. La prise de conscience est un premier pas vers la guérison.
Quand on y pense, la psychanalyse pourrait être une solution très intéressante pour les personnes qui ont été conditionnées depuis leur tendre enfance par le comportement d’un parent. Le problème, c’est qu’il est difficile de s’orienter vers cette thérapie quand on n’a pas conscience de ce conditionnement.
Un traitement médicamenteux
Il est tout à fait possible de recourir à des médicaments spécifiques pour contrer les symptômes physiques et psychiques d’un trouble phobique. Les anxiolytiques sont assez efficaces en ce sens pour calmer et apaiser des attaques de panique assez violentes.
Le problème d’un traitement médicamenteux, c’est qu’il ne fera que masquer les symptômes de l’angoisse pendant une durée limitée. La phobie ne disparaîtra pas par magie, et ce type de traitement pourra même créer une certaine forme de dépendance psychologique ou physique chez certaines personnes.
Bref, le recours à un traitement médicamenteux est une solution temporaire pour stopper les crises d’angoisses incontrôlables. Mais il ne se substituera jamais à une vraie thérapie centrée sur la phobie et des techniques de relaxation, soyez-en sûrs !
Conclusion
L’ergophobie est donc un trouble phobique très contemporain et qui fait souffrir de plus en plus de personnes. Mais par voie de conséquence, de plus en plus de spécialistes s’intéressent à la question et à toutes les problématiques liées au travail. Il est donc possible de s’adresser à des personnes vraiment qualifiées pour vous soigner.
N’hésitez pas à nous partager vos réactions et commentaires à la suite de cet article de la rédaction Esprit Healthy. C’est très important pour nous comme pour les personnes qui souffrent de cette phobie de pouvoir lire des témoignages, et de toujours garder espoir !